L'attente de ce second volet des aventures de Batman vu par le prisme de Christopher Nolan (ainsi que son frère Jonathan et David Goyer coscénaristes, sans oublier Frank Miller en Spirit guide) me fut péniblement longue. La faute d'abord à Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, sur lequel j'avais dangereusement fondé mes espoirs de geek les plus fous, et dont l'immense déception m'a fâché durant quelques semaines avec le Cinéma (mais j'y reviendrai ultérieurement). La faute surtout à Batman Begins qui m'avait en 2005 très agréablement surpris, alors que je n'en attendais rien. Revisiter Batman/Bruce Wayne de la sorte était un pari risqué: le trauma de l'enfance, l'idée de surmonter sa peur pour mieux l'inspirer aux autres, le dur apprentissage guerrier du héros, les premières erreurs... Tout y passait. Mais malgré les risques évidents de plantage, Nolan avait réussi avec justesse à poser les bases de son Batman, à lui recréer une mythologie. A l'inverse, The Dark Knight déconstruit, révolutionne tous ces codes du film de Comics pour basculer dans une anarchie aussi risquée que jouissive. Seule logique due au concept de Sequel, celle de trouver à l'homme chauve-souris un ennemi à sa hauteur, ou plutôt Son meilleur ennemi. La raison d'être de Batman était évidente depuis B.B. ? Elle prend un sens encore plus profond avec le Joker. Si, dans le premier volet, Bruce Wayne/Batman était un héros dont les personnalités et les motivations avaient été clairement explicitées, la présence du Joker remet allégrement en cause ces fondements. D'abord car aucune information crédible ne filtre quant à l'origine du Joker: on ne connaît rien de lui, il sort de nulle part et ses propres explications sont contradictions mêmes. En ce sens Nolan brouille volontiers les pistes pour nous faire perdre tout repère. Dans la même logique, si Batman aura toujours son utilité tant qu'il y aura des criminels à combattre, un de ceux-là, le Joker, n'a lui de raison d'être que pour combattre Batman. Le destin du Joker dépend clairement de celui de Batman et son objectif est d'imposer à son jumeau bénéfique cette réciprocité (To them, you're just a freak. Like me!). Le tour de force réussi par Nolan aura surtout été de montrer que le Joker n'est rien d'autre que la Nemesis de Batman, mise en scène à l'appui, comme ce plan où le Joker, tête en bas, est suspendu dans le vide à un fil, Batman lui faisant face. Y est représenté à l'écran le graphisme et la symétrie même d'une carte de jeu représentant un joker. Ce "bad guy" est inédit en tout point, car imprévisible, surtout aux yeux de spectateurs a qui on a donné l'habitude d'expliquer les motivations des méchants. C'est ce qui rend ce personnage aussi fascinant et effrayant. Dire de Heath Ledger qu'il semble habité par ce rôle à l'évidente démesure est un lourd euphémisme. Sa composition est exceptionnelle. Les dialogues entre le Joker et Batman sont ciselés, évidents, coulent de source: ce film de Comics peut se targuer d'être mieux pensé, écrit que nombre de films dits d'auteurs de ce côté-ci de l'Atlantique. Le film est certes un peu long (2h40), l'ellipse eut été à mon sens judicieuse par moments, notamment pour la séquence à Hong Kong, et les scènes d'actions -confuses- ne sont pas le point fort de Nolan. Mais il y a là tellement peu de défauts en comparaison du déluges de bonnes idées et de moments forts qui rendent ce Dark Knight si dense et passionnant. Le triangle Batman-Joker-Double Face est une équation à trois inconnues qu'il est par exemple vain de vouloir résoudre après un seul visionnage. Face à la folie du Joker, manipulateur en diable, Batman perd ses repères de justicier et s'en remet à l'idéalisme incorruptible du procureur Harvey Dent, lequel ne cache pas son admiration devant la brutale justice opérée par Batman. Une fragile alliance de fortune, orchestrée par le Joker pour mieux imposer la discorde et la tragédie. D'autant que dans The Dark Knight, Batman est de plus en plus esseulé. La Wayne Tower, dans laquelle il vit désormais, est une tour de verre qui illustre son extrême solitude -et ne parvient pas même à lui faire prendre de la hauteur pour déjouer les plans de son adversaire. Certaines de ses décisions et pratiques, parfois douteuses, ont ainsi un écho défavorable jusque chez ses alliés les plus précieux et discrets. De cette farouche bataille, Batman perd bien plus qu'il ne gagne. Les chiens sont lâchés sur lui, le forçant à quitter les grattes-ciel pour revenir à l'ombre des bas-fonds, avant peut-être de redescendre à la source de la Bat-cave. Et ainsi boucler la boucle. De quoi donner tout son sens au titre du film, surnom désormais affublé au Caped Crusader: Dark Knight. Grand film.vendredi 22 août 2008
THE DARK KNIGHT (C. Nolan)
L'attente de ce second volet des aventures de Batman vu par le prisme de Christopher Nolan (ainsi que son frère Jonathan et David Goyer coscénaristes, sans oublier Frank Miller en Spirit guide) me fut péniblement longue. La faute d'abord à Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, sur lequel j'avais dangereusement fondé mes espoirs de geek les plus fous, et dont l'immense déception m'a fâché durant quelques semaines avec le Cinéma (mais j'y reviendrai ultérieurement). La faute surtout à Batman Begins qui m'avait en 2005 très agréablement surpris, alors que je n'en attendais rien. Revisiter Batman/Bruce Wayne de la sorte était un pari risqué: le trauma de l'enfance, l'idée de surmonter sa peur pour mieux l'inspirer aux autres, le dur apprentissage guerrier du héros, les premières erreurs... Tout y passait. Mais malgré les risques évidents de plantage, Nolan avait réussi avec justesse à poser les bases de son Batman, à lui recréer une mythologie. A l'inverse, The Dark Knight déconstruit, révolutionne tous ces codes du film de Comics pour basculer dans une anarchie aussi risquée que jouissive. Seule logique due au concept de Sequel, celle de trouver à l'homme chauve-souris un ennemi à sa hauteur, ou plutôt Son meilleur ennemi. La raison d'être de Batman était évidente depuis B.B. ? Elle prend un sens encore plus profond avec le Joker. Si, dans le premier volet, Bruce Wayne/Batman était un héros dont les personnalités et les motivations avaient été clairement explicitées, la présence du Joker remet allégrement en cause ces fondements. D'abord car aucune information crédible ne filtre quant à l'origine du Joker: on ne connaît rien de lui, il sort de nulle part et ses propres explications sont contradictions mêmes. En ce sens Nolan brouille volontiers les pistes pour nous faire perdre tout repère. Dans la même logique, si Batman aura toujours son utilité tant qu'il y aura des criminels à combattre, un de ceux-là, le Joker, n'a lui de raison d'être que pour combattre Batman. Le destin du Joker dépend clairement de celui de Batman et son objectif est d'imposer à son jumeau bénéfique cette réciprocité (To them, you're just a freak. Like me!). Le tour de force réussi par Nolan aura surtout été de montrer que le Joker n'est rien d'autre que la Nemesis de Batman, mise en scène à l'appui, comme ce plan où le Joker, tête en bas, est suspendu dans le vide à un fil, Batman lui faisant face. Y est représenté à l'écran le graphisme et la symétrie même d'une carte de jeu représentant un joker. Ce "bad guy" est inédit en tout point, car imprévisible, surtout aux yeux de spectateurs a qui on a donné l'habitude d'expliquer les motivations des méchants. C'est ce qui rend ce personnage aussi fascinant et effrayant. Dire de Heath Ledger qu'il semble habité par ce rôle à l'évidente démesure est un lourd euphémisme. Sa composition est exceptionnelle. Les dialogues entre le Joker et Batman sont ciselés, évidents, coulent de source: ce film de Comics peut se targuer d'être mieux pensé, écrit que nombre de films dits d'auteurs de ce côté-ci de l'Atlantique. Le film est certes un peu long (2h40), l'ellipse eut été à mon sens judicieuse par moments, notamment pour la séquence à Hong Kong, et les scènes d'actions -confuses- ne sont pas le point fort de Nolan. Mais il y a là tellement peu de défauts en comparaison du déluges de bonnes idées et de moments forts qui rendent ce Dark Knight si dense et passionnant. Le triangle Batman-Joker-Double Face est une équation à trois inconnues qu'il est par exemple vain de vouloir résoudre après un seul visionnage. Face à la folie du Joker, manipulateur en diable, Batman perd ses repères de justicier et s'en remet à l'idéalisme incorruptible du procureur Harvey Dent, lequel ne cache pas son admiration devant la brutale justice opérée par Batman. Une fragile alliance de fortune, orchestrée par le Joker pour mieux imposer la discorde et la tragédie. D'autant que dans The Dark Knight, Batman est de plus en plus esseulé. La Wayne Tower, dans laquelle il vit désormais, est une tour de verre qui illustre son extrême solitude -et ne parvient pas même à lui faire prendre de la hauteur pour déjouer les plans de son adversaire. Certaines de ses décisions et pratiques, parfois douteuses, ont ainsi un écho défavorable jusque chez ses alliés les plus précieux et discrets. De cette farouche bataille, Batman perd bien plus qu'il ne gagne. Les chiens sont lâchés sur lui, le forçant à quitter les grattes-ciel pour revenir à l'ombre des bas-fonds, avant peut-être de redescendre à la source de la Bat-cave. Et ainsi boucler la boucle. De quoi donner tout son sens au titre du film, surnom désormais affublé au Caped Crusader: Dark Knight. Grand film.
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