mardi 23 septembre 2008

DIG OUT YOUR SOUL (Oasis)

Bientôt quinze ans déjà que les Mancuniens sévissent, et après six albums au compteur dont on ne retient que les deux premiers, supersoniques, les revoilà avec un opus enfin audacieux qui manque finalement de peu de marquer leur grand retour, longtemps inespéré, au sommet musical. Le choix du titre ("Dig out your soul"), exercice souvent pompeux chez Oasis, résonne ici plutôt comme un leitmotiv que se serait appliqué à suivre le groupe pour retrouver le puis de l'inspiration. Ranimer la verve des débuts, sans trop tomber dans le déjà-entendu, en somme. Pendant huit chansons, soit les trois quarts de l'album, la bande aux Gallagher réussit ce pari, certes non sans mal, en se mordant les lèvres pour éviter l'esbroufe, en retenant ses fanfaronnades, désormais uniquement réservées aux promos et aux concerts, et en jouant parfois contre nature pour mieux laisser s'immiscer quelques vagues nappes électroniques. Bien qu'on ne sache pas jusqu'où la collaboration avec Death in Vegas est allée, on en perçoit d'heureux stigmates (notamment sur "To be where there's life", 8e piste signée Gem Archer). C'est pourtant à partir de ce morceau que le disque s'essouffle, lorsque ce dernier, Andy Bell et Liam y vont de leurs morceaux pour clore l'album, selon, la démocratie instaurée par Noel depuis deux opus. Car il y a clairement les chansons écrites par Noel et celles des autres. "I'm outta Time", très belle première (et de loin la meilleure) des trois compositions de Liam, témoigne plus symptomatiquement du retard qu'accuse le cadet sur son aîné. Cette chanson porte à ce point bien son titre qu'elle sonne comme une Lennon période Abbey Road et perpétue cette caution Beatles dont le groupe n'a plus besoin. Alors que Noel tente enfin de tuer le père pour vouloir en découdre sur les plates bandes d'autres monuments musicaux, Liam continue lui d'arroser les fleurs de la pochette de Sgt Pepper. Or si les Gallagher ont tant déçu depuis dix ans, c'est par leur agaçante incapacité à se renouveler, là où d'autres ont brillé par leurs talents multiples (Albarn). Alors on ne peut que se réjouir aujourd'hui à l'écoute de "Bag it up", emballante ouverture aux effets psychédéliques, de "The Turning", dont la rythmique "Kid A" prend une superbe ampleur avec un choeur inattendu, de "Waiting for the rapture" où on croirait entendre les White Stripes croiser le fer avec le "Beetlebum" de Blur. Et comme on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, "The shock of the lightning" rappelle les singles dévastateurs de "Definitely Maybe", quand "Falling Down" atteint les sommets d'écriture entrevus sur "What's the Story Morning glory". A peine abordé sur le précédent "Don't believe the truth", le virage musical d'Oasis est donc ici bel et bien réussi: au frein à main, avec un seul oeil dans le rétro et ce qu'il faut d'accélération pour la ligne droite. Toujours pas de quoi s'autoproclamer "meilleur groupe du monde", mais certainement de quoi postuler au titre de "come back de l'année". Welcome back, then, lads.

vendredi 19 septembre 2008

FLEET FOXES (Fleet Foxes)

Pour ma première chronique musicale, je ne pouvais mieux tomber. Il n'empêche que les mots (justes) me manquent à l'évocation du premier album éponyme de Fleet Foxes, un groupe de cinq frappadingues venus de Seattle, Washington State. Mais justement qu'est-il arrivé à cette "rainy city" à la pluie tapageuse et crasseuse -dont le grunge faisait jusqu'alors office d'oeil du cyclone musical-, pour tourner à ce point casaque et enfin se pencher vers le soleil ? A moins que tout cela ne résulte finalement que des radiations stellaires d'une aurora borealis qui aurait un instant fugué le proche hémisphère nord... Epique, harmonieux, baroque, hédoniste, magique, Fleet Foxes est tout cela à la fois et bien plus encore, à mesure que l'on écoute cette véritable corne d'abondance musicale qui redonne à la Pop ses lettres de noblesses et restitue à la Folk la grandeur de ses espaces. Même pour Rahan, jamais le soleil n'a paru si près qu'à lécoute de "Sun it Rises", jamais l'hiver n'a semblé si chaud (White Winter Hymnal). Les parents spirituels de ce petit miracle sont certes évidents (Beach Boys, Love, The Coral...), mais cet album outrepasse allègrement toute référence et balaye toute révérence (Your Protector). Il est un classique instantané, de ceux qui soulèvent les montagnes, écartent les mers et arrêtent le temps. Déjà gravé dans le marbre de nos platines.

samedi 6 septembre 2008

GOMORRA (M. Garrone)

Adaptation du roman éponyme de Robert Saviano, Gomorra nous plonge dans l'enfer de la Camorra sous ses formes les plus diverses, pour rappeler ce constat effrayant: la mafia napolitaine est une arraignée dont l'immense toile piège toute l'Italie. Démonstration en est faite avec les destins parfois croisés de plusieurs personnages que l'on suit à l'écran, durant 2h15 d'un film très documenté, servi par des acteurs saisissants de réalisme et une mise en scène nerveuse, au cordeau, à défaut d'être sublimée par son sujet. De cette radiographie de la société napolitaine, il en ressort évidemment que le trafic de drogue est un cancer dévastateur, mais pas le seul tant d'autres points névralgiques sont également touchés. Ainsi, la corruption s'immisce-t-elle jusqu'à Milan (dans le film, dans toute l'Europe en réalité) pour déverser en toute discrétion des tonnes de déchets toxiques lombards dans les terrains vagues de Campanie, contaminant la nature environnante avec les dégats qu'on imagine. Autre économie parallèle évoquée, celle juteuse des contrefaçons textiles, à travers le personnage de Pasquale, un couturier, sorti de la rue par son employeur lorsqu'il était gamin, et rattrapé par la Camorra après avoir prêté ses talents à des concurrents chinois. L'organisation en interne du systême est également disséquée, avec le parcours de Don Ciro: vieil employé de la pègre chargé de prendre ou distribuer l'argent aux habitants selon les ordres reçus et qui tente de sauver sa peau face à un changement de pouvoir, symptomatique d'une Camorra en pleine mutation. Car la guerre des gangs frappe aussi la pègre napolitaine, avec son lot de victimes innocentes pour peu qu'on se retrouve malgré soi dans le mauvais camp. Et lorsqu'un adolescent vit à Scampia (banlieue de Naples où se déroule l'action), le choix d'une vie en marge de la rue, des gangs, et de la violence est quasi impossible. C'est dans cet engrenage que Toto, 12 ans à peine, doit choisir son camp et prouver son engagement aux conéquences terribles. Gomorra est au final une vision crue, brute de la mafia, à des années lumières du romantisme notamment véhiculé par Romanzo Criminale (M. Placido), qui était lui-même inspiré par ce que le cinéma américain a su produire de mieux dans le genre. Le destin tragique de Marco et Ciro illustre parfaitement la différence de ton et de propos: âgés d'à peine une vingtaine d'années, ils rêvent de devenir comme Tony Montana, dans Scarface de Brian De Palma. Les deux rêvent de liberté, de pouvoir, et vont même jusqu'à défier les parrains locaux, avant d'être brutalement ramenés à la réalité. Celle d'une pelleteuse transportant leur deux corps criblés de balles au terme d'une embuscade. Celle d'un destin qu'on ne maîtrise pas, quand on vit à Gomorrhe sous le joug de la Camorra.

lundi 1 septembre 2008

THE LAST SHADOW PUPPETS (Olympia)

La première fois où je vis Alex Turner sur scène, en juillet 2007 aux Arènes de Nîmes, j'eus une appréciation mitigée de sa prestation à la tête des Arctic Monkeys, auteurs à mon sens d'un concert certes bien calibré, mais trop vite expédié, sans ferveur particulière. J'avais même la désagréable sensation d'avoir vu des mômes jouer comme on cachetonne, en donnant le minimum, sans émotion, ne laissant aucune place au hasard. J'étais en quelque sorte assez effrayé de voir ces gosses jouer comme des vieux briscards tous rodés et érodés par le temps, même si avec le recul, je conçois que ce concert était un des derniers de leur longue tournée, d'où une fatigue et une possible envie de passer à autre chose légitimes. Un peu plus d'un an a passé, et notre garçon au talent précoce a eu l'excellente idée, entre-temps, de s'aventurer avec Miles Kane (des Rascals) sur les traces de Scott Walker, Burt Bacharach et autre Divine Comedy pour créer The Last Shadow Puppets. Une pop enlevée, ambitieuse, symphonique qui n'a pas complètement rempli l'Olympia -contrairement au sold out annoncé ici et là-, mais que nos deux lascars ont visiblement pris plaisir à jouer, accompagnés d'un orchestre comprenant seize musiciens pour les cuivres et les cordes. L'heure et quart de concert est vite passée, mais contrairement à l'expérience Arctic Monkeys décrite en introduction, l'énergie était présente, comme la bonne humeur. Il y eut certes quelques imperfections et le duo a même paru désordonné devant leur orchestre, mais ceci contribua à créer une ambiance foutraque pourvue de grands moment sde plaisir. Le galopant "Calm like you" (très John Barry dans l'âme) ouvrit ainsi vigoureusement les battants du saloon, avant que les singles "The age of the understatement" et "Standing next to me" n'apportent l'ivresse espérée. Si le rendez-vous avec David Bowie fut attendu pour la reprise de "In the heat of the morning", celui avec Arthur Lee et Love pour la cover de "Little Red Book" fut aussi beau qu'inespéré, tout comme "Summer Paris" de Lee Hazlewood et Nancy Sinatra, joliment interprété par Alison Mosshart, empruntée aux Kills pour ce voyage dans le temps qui ramena l'Olympia vers l'âge d'or de la pop sixties. Ne manquait juste que Austin Power pour le Mojo.