Adaptation du roman éponyme de Robert Saviano, Gomorra nous plonge dans l'enfer de la Camorra sous ses formes les plus diverses, pour rappeler ce constat effrayant: la mafia napolitaine est une arraignée dont l'immense toile piège toute l'Italie. Démonstration en est faite avec les destins parfois croisés de plusieurs personnages que l'on suit à l'écran, durant 2h15 d'un film très documenté, servi par des acteurs saisissants de réalisme et une mise en scène nerveuse, au cordeau, à défaut d'être sublimée par son sujet. De cette radiographie de la société napolitaine, il en ressort évidemment que le trafic de drogue est un cancer dévastateur, mais pas le seul tant d'autres points névralgiques sont également touchés. Ainsi, la corruption s'immisce-t-elle jusqu'à Milan (dans le film, dans toute l'Europe en réalité) pour déverser en toute discrétion des tonnes de déchets toxiques lombards dans les terrains vagues de Campanie, contaminant la nature environnante avec les dégats qu'on imagine. Autre économie parallèle évoquée, celle juteuse des contrefaçons textiles, à travers le personnage de Pasquale, un couturier, sorti de la rue par son employeur lorsqu'il était gamin, et rattrapé par la Camorra après avoir prêté ses talents à des concurrents chinois. L'organisation en interne du systême est également disséquée, avec le parcours de Don Ciro: vieil employé de la pègre chargé de prendre ou distribuer l'argent aux habitants selon les ordres reçus et qui tente de sauver sa peau face à un changement de pouvoir, symptomatique d'une Camorra en pleine mutation. Car la guerre des gangs frappe aussi la pègre napolitaine, avec son lot de victimes innocentes pour peu qu'on se retrouve malgré soi dans le mauvais camp. Et lorsqu'un adolescent vit à Scampia (banlieue de Naples où se déroule l'action), le choix d'une vie en marge de la rue, des gangs, et de la violence est quasi impossible. C'est dans cet engrenage que Toto, 12 ans à peine, doit choisir son camp et prouver son engagement aux conéquences terribles. Gomorra est au final une vision crue, brute de la mafia, à des années lumières du romantisme notamment véhiculé par Romanzo Criminale (M. Placido), qui était lui-même inspiré par ce que le cinéma américain a su produire de mieux dans le genre. Le destin tragique de Marco et Ciro illustre parfaitement la différence de ton et de propos: âgés d'à peine une vingtaine d'années, ils rêvent de devenir comme Tony Montana, dans Scarface de Brian De Palma. Les deux rêvent de liberté, de pouvoir, et vont même jusqu'à défier les parrains locaux, avant d'être brutalement ramenés à la réalité. Celle d'une pelleteuse transportant leur deux corps criblés de balles au terme d'une embuscade. Celle d'un destin qu'on ne maîtrise pas, quand on vit à Gomorrhe sous le joug de la Camorra.samedi 6 septembre 2008
GOMORRA (M. Garrone)
Adaptation du roman éponyme de Robert Saviano, Gomorra nous plonge dans l'enfer de la Camorra sous ses formes les plus diverses, pour rappeler ce constat effrayant: la mafia napolitaine est une arraignée dont l'immense toile piège toute l'Italie. Démonstration en est faite avec les destins parfois croisés de plusieurs personnages que l'on suit à l'écran, durant 2h15 d'un film très documenté, servi par des acteurs saisissants de réalisme et une mise en scène nerveuse, au cordeau, à défaut d'être sublimée par son sujet. De cette radiographie de la société napolitaine, il en ressort évidemment que le trafic de drogue est un cancer dévastateur, mais pas le seul tant d'autres points névralgiques sont également touchés. Ainsi, la corruption s'immisce-t-elle jusqu'à Milan (dans le film, dans toute l'Europe en réalité) pour déverser en toute discrétion des tonnes de déchets toxiques lombards dans les terrains vagues de Campanie, contaminant la nature environnante avec les dégats qu'on imagine. Autre économie parallèle évoquée, celle juteuse des contrefaçons textiles, à travers le personnage de Pasquale, un couturier, sorti de la rue par son employeur lorsqu'il était gamin, et rattrapé par la Camorra après avoir prêté ses talents à des concurrents chinois. L'organisation en interne du systême est également disséquée, avec le parcours de Don Ciro: vieil employé de la pègre chargé de prendre ou distribuer l'argent aux habitants selon les ordres reçus et qui tente de sauver sa peau face à un changement de pouvoir, symptomatique d'une Camorra en pleine mutation. Car la guerre des gangs frappe aussi la pègre napolitaine, avec son lot de victimes innocentes pour peu qu'on se retrouve malgré soi dans le mauvais camp. Et lorsqu'un adolescent vit à Scampia (banlieue de Naples où se déroule l'action), le choix d'une vie en marge de la rue, des gangs, et de la violence est quasi impossible. C'est dans cet engrenage que Toto, 12 ans à peine, doit choisir son camp et prouver son engagement aux conéquences terribles. Gomorra est au final une vision crue, brute de la mafia, à des années lumières du romantisme notamment véhiculé par Romanzo Criminale (M. Placido), qui était lui-même inspiré par ce que le cinéma américain a su produire de mieux dans le genre. Le destin tragique de Marco et Ciro illustre parfaitement la différence de ton et de propos: âgés d'à peine une vingtaine d'années, ils rêvent de devenir comme Tony Montana, dans Scarface de Brian De Palma. Les deux rêvent de liberté, de pouvoir, et vont même jusqu'à défier les parrains locaux, avant d'être brutalement ramenés à la réalité. Celle d'une pelleteuse transportant leur deux corps criblés de balles au terme d'une embuscade. Celle d'un destin qu'on ne maîtrise pas, quand on vit à Gomorrhe sous le joug de la Camorra.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire