vendredi 10 octobre 2008

APPALOOSA (E. Harris)

Ed Harris, acteur dont l'indéniable capital sympathie prit en 2000 une ampleur supplémentaire à la réalisation de Pollock, biopic réussi sur un des plus insaisissables peintres américains du siècle dernier, s'est mesuré, pour son deuxième film derrière la caméra, à la rude déclinaison du western. Si Appaloosa lorgne plus vers John Ford que Sergio Leone, ainsi que l'a précisé Harris, également coscénariste, c'est plutôt au Rio Bravo de Howard Hawks que l'on songe à la vision de ce film sur une amitié irréductible, quasi aveugle, entre deux hommes unis par leur vocation à faire respecter la loi dans l'ouest des Etats-Unis. Appelé à la rescousse d'une petite ville sans repère depuis l'assassinat de son sheriff par Randall Bragg, un dangereux propriétaire terrien (J. Irons, cabotin peu convaincant), Virgil Cole (E. Harris) secondé de Everett Hitch (impeccable V. Mortensen) accepte de rendre justice à la condition d'y imposer sa propre loi. Dans l'ouest américain de la fin du XIXe siècle, cette façon d'opérer était vraisemblablement monnaie courante, pourtant elle fut très rarement montrée à l'écran, l'image de la loi ne devant en aucun cas être altérée. Ed Harris, lui, n'en a cure, distillant ça et là une peinture de l'époque ultra-réaliste, qui montre par exemple comment, ironie du sort, Bragg le meurtrier recherché, puis arrêté et réchappant de la potence, deviendra ensuite le premier investisseur de la ville, se rachetant par là même conduite et honorabilité, sous les yeux impuissants de Cole. Car, dans la société de cette époque, les renégats criminels d'un jour pouvaient bien être les citoyens d'honneur du lendemain, l'argent effaçant toutes les dettes comme les mémoires. Au delà de l'effort documentariste, c'est l'histoire d'amitié entre les deux héros qui prédomine dans le film, d'abord illustrée par une complicité évidente entre Ed Harris et Viggo Mortensen, acteurs quasi minéraux. Si, dans l'intimité entre les deux compères, le non-verbal est d'ailleurs le mode de communication le plus efficace, en société, Hitch finit très souvent les phrases maladroites d'un Cole peu habitué à s'exprimer. Ressort humoristique décalé, ce gimmick apparaît au final comme la parabole illustrant Hitch finissant le travail commencé par Cole, en témoigne la fin du film. Cette amitié indéfectible entre les deux héros, Harris choisit de la mettre à l'épreuve avec l'apparition d'Allison French, une femme à la personnalité plus complexe que ne le laisse entrevoir son image de veuve joyeuse en quête perpétuelle du mâle dominant. Le personnage est intéressant dans la mesure où il bouleverse l'existence de ce vieux garçon qu'est Cole, et force est de reconnaître que par ses énervantes minauderies, la rougeaude Renée Zellweger (droit sortie d'un four à pizza) en donne une crédible incarnation, malgré l'épreuve que constitue pour nos yeux et nos oreilles sa présence à l'écran. A la fois réaliste et décalé, Appaloosa illustre une nouvelle fois la vitalité d'un genre qui aura su brillamment se renouveler ces dernières années. Et s'il se classe devant le trop romantique et nostalgique "3h10 pour Yuma" (J. Mangold), on lui préfèrera la formidable tension et impression de puissance de "Open Range" et surtout la poésie et l'onirisme de "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford".

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