mercredi 15 octobre 2008

VICKY CRISTINA BARCELONA (Woody Allen)

Toujours aussi prolifique, à raison d'un film par an, mais plus alternativement inspiré, Woody Allen a choisi Barcelone pour théâtre de son nouvel opus. Un choix judicieux si l'on en juge sa verve retrouvée, admirablement servie par des acteurs brillants et manifestement heureux d'être là. En guise de point de départ, le titre "Vicky, Cristina, Barcelona" ne peut être plus explicite: deux amies américaines, opposées sur les questions sentimentales, décident de passer leurs vacances estivales à Barcelone, berceau d'un hédonisme qui saura aisément bouleverser leurs certitudes respectives. La brune Vicky (discrètement sexy, Rebecca Hall) ne jure que par un seul amour possible, synonyme de sécurité et de stabilité, celui de son riche futur mari resté à New York. La blonde Cristina (blonde Scarlett Johanson), elle, ne croit pas en l'idée d'un seul amour et en libertaire indépendante avouée s'apprête bien à profiter de son séjour espagnol pour trouver le premier hidalgo venu. Sauf que cet homme, Juan Antonio, est campé par le très animal Javier Bardem (brillant), dont le désir assumé n'est autre que de réunir les deux jeunes femmes dans son lit. Une ambition plutôt compréhensible, qui ne constitue que le premier de nombreux bouleversements, pour la plupart dotés de ressorts comiques assez jouissifs, avec notamment l'irruption dans l'histoire de Maria Elena (Penelope Cruz à son meilleur), l'ex-femme hystérique de Juan Antonio (qui invoquent Thanatos et Eros). Evidemment, une fois les tentations du beau Juan Antonio assouvies, les deux amies américaines verront leurs convictions bouleversées, la question étant de savoir à quel point ces aventures affecteront leur vie et les choix qui les attendent. A ce titre, les dialogues font, comme souvent chez Woody, mouche, que ce soit pour faire la part belle à des situations burlesques et offrir quelques réflexions existentielles intéressantes. Pour autant, on regrettera que Woody Allen force un peu trop le trait dans sa description caricaturale de Doug, le mari de Vicky, incarnation du Wasp friqué, sans culture, assis sur ses valeurs moralistes ultra-américaines. Le plaisir évident avec lequel Allen tend à confiner au ridicule ce fade et inintéressant amerloque pour mieux l'opposer à Juan Antonio, tentateur plein de culture et de finesse, relève d'une solution de facilité inhabituelle. Comme s'il voulait stigmatiser, selon une parabole très risquée, cette soi-disant différence entre les européens, leur prétendue finesse, leur immense culture forgée par l'histoire et leur hédonisme sans tabou, face au puritanisme, au protectionnisme et donc à l'inculture dont feraient preuve la majorité des américains. Certes Woody Allen est produit depuis des années maintenant par diverses productions européennes, et la majorité de son public demeure européen, mais c'est sa personnalité new yorkaise férue de multiculturalisme qui fait de lui ce si complexe auteur très américain que l'on apprécie. Ce qui permet de penser que Doug eut pu tout aussi bien être ce new yorkais, ouvert sur le monde, plein d'humour, séduisant, cultivé, digne d'être l'élu de Vicky finalement, tout en étant cocu devant Juan Antonio. Une opposition de fait un peu plus équilibrée qui aurait enrichi un peu plus l'histoire et certainement millésimé un cru 2008 qu'on jugera néanmoins comme très bon.

Aucun commentaire: